Crédits photo : phidippus regius - skákavka královská |
Accueillir un nouvel animal, surtout une espèce aussi fascinante que la Phidippus regius, demande de l’anticipation, de la rigueur, et surtout de la patience. Pourtant, malgré les meilleures intentions du monde, il arrive parfois que l'on assiste, impuissant, à un déclin brutal et inexpliqué. C’est ce qu’a vécu une propriétaire ayant récemment accueilli une jeune Phidippus. Trois jours après son arrivée, l’araignée montrait des signes inquiétants : perte d’équilibre, incapacité à grimper, mouvements désordonnés. Cette situation dramatique met en lumière un trouble encore méconnu mais redouté des éleveurs : le syndrome dyskinétique, ou DKS.
Qu’est-ce que le syndrome dyskinétique (DKS) ?
Le DKS est un trouble neurologique grave observé chez plusieurs espèces d’araignées, et en particulier chez les Phidippus regius. Il se manifeste par une altération de la coordination motrice, rendant les déplacements difficiles, voire impossibles. À mesure que la maladie progresse, l’animal devient de plus en plus faible, jusqu’à ce qu’il cesse de s’alimenter et se meure, souvent dans des postures inhabituelles.
Il ne s’agit pas d’une maladie contagieuse, mais plutôt d’une réponse physiologique à un ensemble de facteurs de stress ou d’agressions environnementales.
Symptômes typiques à surveiller
Les signes avant-coureurs du DKS sont subtils, mais lorsqu’ils apparaissent, il est essentiel d’agir rapidement pour tenter de limiter les dégâts. Parmi les manifestations les plus courantes :
Tremblements des pattes ou secousses involontaires ;
Incapacité à grimper ou à s’accrocher, même à une surface verticale ;
Chutes fréquentes sans possibilité de se relever correctement ;
Réactions désorganisées, parfois semblables à une panique ;
Apathie, l’araignée reste longtemps immobile, même en présence de nourriture.
Ces symptômes signalent une détérioration du système nerveux central. Bien qu’il n’existe pas encore de traitement curatif, comprendre les causes possibles peut permettre d’éviter le pire.
Une erreur fréquente : un excès d’humidité
L’humidité est un facteur clé dans le maintien en captivité des Phidippus, mais trop d’humidité peut s’avérer nocif, voire fatal. De nombreux débutants sont tentés de maintenir une hygrométrie élevée, pensant bien faire. Pourtant, un niveau au-delà de 80 % en dehors des périodes de mue peut provoquer une prolifération d’acariens, de moisissures invisibles, ou tout simplement un stress permanent chez l’araignée.
L’idéal se situe entre 65 % et 75 % d’humidité, avec un pic éventuel autour de 80 % seulement durant les jours qui précèdent et suivent une mue. En dehors de ce contexte, maintenir des niveaux trop élevés empêche une bonne aération, altère la santé respiratoire de l’araignée, et favorise le développement de parasites.
Le choix du terrarium : un rôle souvent sous-estimé
Autre erreur souvent commise : l’utilisation de terrariums à ouverture supérieure, ce qui perturbe profondément le mode de vie de cette espèce arboricole. Les Phidippus regius aiment construire leur loge en hauteur, et chaque ouverture par le haut entraîne la destruction de leur toile. Résultat : l’araignée doit la reconstruire sans cesse, ce qui l’épuise physiquement, surtout en phase d’adaptation.
Un terrarium adapté doit :
S’ouvrir par l’avant pour minimiser le dérangement ;
Être ventilé, notamment sur le haut et les côtés ;
Avoir une hauteur suffisante (20 à 30 cm) pour permettre la création d’une loge en hauteur.
Un espace mal conçu empêche l’araignée de s’installer et crée un stress constant qui peut, à terme, déclencher un DKS.
Les parfums et produits volatils : ennemis invisibles mais redoutables
L’une des causes les plus fréquentes de DKS est l’exposition à des substances toxiques dans l’environnement, souvent inodores ou imperceptibles à l’échelle humaine. Les araignées perçoivent le monde essentiellement par les vibrations et les substances chimiques dans l’air. Elles sont extrêmement sensibles aux molécules volatiles, même à très faible concentration.
Les produits à bannir absolument de l’environnement proche de l’araignée :
Parfums, eaux de toilette, sprays corporels ;
Bougies parfumées, encens, diffuseurs d’huiles essentielles ;
Nettoyants ménagers, même dits “écologiques” ;
Désodorisants d’intérieur ou sprays textiles.
Il suffit parfois d’un simple spray vaporisé dans une autre pièce mais à proximité, pour créer une intoxication neurologique, provoquant le DKS.
Un environnement sonore à ne pas négliger
Si les araignées n’ont pas d’oreilles, elles perçoivent les vibrations dans l’air et sur les surfaces via les poils sensoriels situés sur leurs pattes. Ainsi, des bruits stridents, une musique forte, des objets qui tombent régulièrement à proximité ou même des vibrations liées aux appareils électroménagers peuvent engendrer un stress chronique.
Il est donc préférable de placer le terrarium :
Dans une pièce calme, éloignée des zones de passage ;
À l’abri des enceintes, aspirateurs, téléviseurs ou imprimantes.
Le stress sonore est un facteur souvent ignoré, mais il contribue fortement à l’apparition de troubles nerveux chez les espèces sensibles comme la Phidippus regius.
Les proies : ce qu’il faut savoir
L’alimentation joue également un rôle non négligeable dans le maintien en santé de votre araignée. Donner des proies inadaptées ou contaminées peut entraîner des troubles digestifs, voire neurologiques.
Quelques conseils essentiels :
Privilégiez des insectes issus d’élevages domestiques, exempts de traitements chimiques.
Évitez de capturer des insectes à l’extérieur, souvent porteurs de pesticides ou d’agents pathogènes.
Assurez-vous que les proies ne soient pas trop grandes ou agressives, ce qui pourrait stresser l’araignée.
Un régime varié, riche en drosophiles, petites mouches ou micro-grillons, suffit à couvrir les besoins d’un juvénile.
L’importance de préparer le terrarium avant l’arrivée
L’un des meilleurs moyens d’éviter des erreurs fatales est de mettre en place le terrarium bien avant l’arrivée de l’araignée. Cela permet non seulement d’ajuster les paramètres (température, humidité, ventilation), mais aussi de vérifier la stabilité de l’environnement.
Il est fortement recommandé de :
Laisser tourner le terrarium au moins 10 à 15 jours avant l’introduction ;
Tester la brumisation, l’éclairage et la température jour/nuit ;
Observer l’évaporation et l’aération naturelle.
Ce temps de préparation permet de prévenir bon nombre de problèmes liés à un choc d’adaptation.
Comment réagir si les symptômes apparaissent ?
Si votre araignée montre des signes de DKS, il est essentiel d’intervenir rapidement, bien que les chances de rétablissement restent faibles. Voici les premières étapes à suivre :
Isoler l’araignée dans un contenant propre, petit, avec une bonne aération, pour limiter les risques de chute.
Placer à l’intérieur un petit coton légèrement humide pour favoriser la réhydratation.
Proposer une goutte de miel dilué dans de l’eau sur un coton-tige à proximité de sa bouche, sans la forcer.
Vérifier tous les produits chimiques susceptibles d’avoir été utilisés dans les 48h précédentes.
Maintenir une température stable et un environnement calme.
Certaines personnes rapportent une légère amélioration après ces soins d’urgence, mais cela reste exceptionnel. La meilleure arme contre le DKS demeure la prévention.
Accepter ses erreurs et apprendre
Il est naturel de se sentir coupable lorsqu’on pense avoir causé du tort à un animal que l’on aime. Pourtant, il est important de comprendre que l’apprentissage passe parfois par des erreurs. Même les éleveurs les plus expérimentés ont un jour commis une faute de maintenance ou mal interprété un comportement.
La clé est de rester humble, curieux, et de se documenter avant de recevoir un nouvel animal. Ne jamais oublier que même une petite araignée mérite autant de soin et de respect qu’un animal plus conventionnel.
Mieux prévenir pour mieux protéger
Le syndrome dyskinétique (DKS) est une réalité douloureuse mais évitable dans de nombreux cas. Il rappelle l’importance de bien comprendre les besoins spécifiques de nos invertébrés, et de ne jamais sous-estimer leur sensibilité. L’environnement, le stress, l’hygiène de vie et la qualité de l’air sont autant de paramètres qui peuvent faire la différence entre une vie épanouie et une fin tragique.
En respectant quelques principes simples – éviter les produits volatils, maintenir une hygrométrie adaptée, réduire les vibrations, offrir une nourriture saine – vous augmentez considérablement les chances de bonheur et de longévité de votre Phidippus regius.
Apprendre à observer, à anticiper, et à s’adapter : c’est la base d’une relation respectueuse et enrichissante avec ces merveilleuses créatures. 💚🕷️